Le 4 juillet, le Romain a dévoilé que les taux directeurs de la BCE resteraient bas"pour une période prolongée". C'est ce qu'on appelle la forward guidance, ou le "pilotage des anticipations".
C'est une révolution pour cette institution qui, jusque-là, refusait de lâcher le moindre indice sur sa stratégie. M. Draghi emprunte là le même chemin que la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d'Angleterre (BoE), converties à ce type de communication depuis le début de la crise. "Les banquiers centraux ne se sont jamais montrés aussi transparents avec les marchés", souligne Fabrice Montagné, économiste chez Barclays.
En vérité, la BCE n'a pas vraiment eu le choix. Lorsqu'en mai la Fed, prenant acte de la reprise outre-Atlantique, a annoncé qu'elle allait stopper ses rachats massifs d'actifs, les investisseurs ont misé sur une remontée des taux américains à long terme. Et dans la foulée, sur celle des taux européens puisqu'en général le redémarrage du Vieux Continent suit de quelques mois celui des Etats-Unis.
La crise de la dette a laissé de telles séquelles que la croissance en zone euro ne devrait pas significativement repartir avant 2015.
Une remontée trop rapide des taux aurait pu replonger l'Espagne, le Portugal ou l'Italie dans la tourmente... Voilà pourquoi, afin de la stopper net et de modifier les anticipations des marchés, M. Draghi s'est résolu à annoncer qu'il ne changerait pas de politique avant des mois. Avec succès : les taux européens se sont détendus.
Le défi de M. Draghi s'annonce délicat. Il va devoir faire comprendreaux investisseurs que la forward guidance à l'européenne ne répliquera pas à la lettre celle des Etats-Unis.
D'autant que la forward guidance, malgré ses atouts, n'évitera peut-être pas à la BCE de prendre de nouvelles mesures.
Source: Le Monde