Rachel Lambert commente la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui refuse l'interruption de la nutrition et l'hydratation artificielles de son mari. Une mesure prise par un collège de médecins.
Comment vivez-vous la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ?
Je ressens de la tristesse et suis terrassée par la violence des mots et du non-respect des souhaits de Vincent. La justice a statué sur une décision médicale. C'est ce qui m'interroge le plus aujourd'hui, car les juges ont remis en cause une décision prise par un collège de médecins, sans même avoir vu Vincent. Pour moi, il est difficilement acceptable que la décision reste en l'état. Mais je ne donnerai pour l'heure pas mon avis sur mon prochain engagement judiciaire.
Comment avez-vous vécu l'audience, durant laquelle vous faisiez face à vos beaux-parents ?
Certes, nous avons parlé de l'état de Vincent, on l'a comparé avec l'autisme du fait des difficultés de communication, mais je me suis demandé où il était dans tout ça. Où était sa personnalité d'avant son accident, ses goûts et dégoûts, ses désirs, ses convictions ? Où était son positionnement sur la question de ladépendance ? Où étaient ses volontés ?
Je reste donc dubitative. Vincent a toujours été très clair, il ne souhaitait pas êtrediminué psychologiquement et cognitivement, et pas être dépendant. C'est une question dont nous avions discuté à plusieurs reprises, sans tabou. Je ne suis pas toute seule à le dire. Son frère l'a dit aussi, des frères et soeurs se sont positionnés, et moi j'ai fourni une attestation assez détaillée. Je ne sais pas ce qu'on pouvait attendre de plus. D'ailleurs, ses parents n'ont jamais dit que Vincent n'avait pas tenu ces paroles.
Votre histoire personnelle est désormais sur la place publique, et largement commentée. Qu'en pensez-vous ?
Au-delà de la violence de la décision, la médiatisation de ma vie privée est désagréable. Certains sont allés jusqu'à me demander ma position sur la fin de vieet sur l'euthanasie. Je la garde pour moi. Mon seul intérêt, mon seul désir, c'est defaire entendre la volonté de Vincent.
Le cas de votre mari s'est inscrit dans le débat voulu par le président de la République, qui a promis un projet de loi sur la fin de vie. Comment le vivez-vous ?
Contrairement au lobby « pro-life », les mouvements en faveur de l'euthanasie ne m'ont pas importunée. J'ai l'impression que Vincent est otage d'un mouvement pour la vie coûte que coûte dans le cadre des futures discussions politiques. Mais c'est d'un homme dont il est question ! C'est inadmissible. Je souhaite que l'on se recentre sur lui. Respecter ce qu'il est au-delà de toutes les considérations politiques, idéologiques et sociétales est le plus important.
Source: Le Monde